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Lettre ouverte du Docteur Jean-Philippe Labreze
Docteur Jean-Philippe LABREZE Le 5 juin 2021
122 av. du 14 juillet 1789
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Lettre ouverte à :
M. Pierre-Michel DURAND : Père de Samuel.
Mme Sandrine LALANDE : Juge des Enfants au Tribunal judiciaire de NÎMES.
Mme Léa LARDY : Juge des Enfants au Tribunal judiciaire de MENDE.
Mme Isabelle MARTI : Présidente de la chambre spéciale des Mineurs à la Cour d’appel de NÎMES.
M. Frédéric CAMACHO : Chef de service à l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE) du GARD.
Mme BADIOU. Référente. Educatrice à l’Aide Sociale à l’Enfance du GARD, au CMS de St HIPPOLYTE Du FORT
M. Cédric REVEL : Chef de service au Foyer ST-JOSEPH à ALES.
Mme CHABROL : Chef de service à l’ERFM (Espace Rencontre Famille et Médiation) à NÎMES
Mme Anne MONINI-MICHEL : Juge aux Affaires familiales (JAF) et présidente du Tribunal correctionnel de MENDE.
Mme Vanessa JEAN AMANS : Juge aux Affaires familiales et au Tribunal correctionnel de MENDE.
M. Xavier SICOT : Ex Procureur au Tribunal judiciaire de MENDE.
M. Eric MAUREL : Procureur de la République au tribunal judiciaire de NÎMES.
Mme Jeanne VIVET : Protection Judiciaire de la Jeunesse (PJJ) de MENDE.
M. Bruno CANO : CPEAGL (Comité de Protection de l’Enfance et l’Adolescence GARD-LOZERE) de MENDE.
M. Boris MERMET : Educateur à l’ASE de Haute-Savoie.
Mesdames, Messieurs,
Ma conjointe, Karine TRAPP, termine sa 14ème semaine de grève de la faim (97ème jour) !
Chacun et chacune d’entre vous est, à des degrés divers, responsable du harcèlement socio- judiciaire qui l’a conduite à cette action désespérée de grève de la faim et de la soif, pour tenter d’être enfin entendue et de faire cesser l’injustice qu’elle et ses enfants subissent depuis plus de quatre ans.
Cette maman « extrêmement bienveillante » (pour reprendre les termes du rapport de la Protection Judiciaire de la Jeunesse, de septembre 2020), aimante et désespérée, se bat pour récupérer un droit légitime, dont elle est privée par des décisions de justice injustes, voire iniques, basées sur des rapports tendancieux ou clairement mensongers de l’Aide Sociale à l’Enfance: celui de continuer à prendre soin de ses deux fils, Samuel, 6 ans et demi, placé chez son père, et Noah, 11ans et demi, placé en foyer.
Karine a clairement communiqué ce qu’elle attend de la justice: le retour immédiat de Noah auprès d’elle, en sécurité, et le rétablissement rapide de la fratrie autour d’elle.
Ma conjointe ne veut pas mourir ! Elle souhaite simplement, légitimement, retrouver ses enfants et reprendre avec eux le cours normal de leur vie, violemment interrompu le 18 mai 2017, par quatre gendarmes et deux éducateurs venus lui arracher Samuel et Noah.
Depuis le début de son action, et alors que j’ai dû la secourir en urgence au 9ème jour de sa grève de la soif pour traiter une crise d’épilepsie, et ne pas courir le risque de la voir décéder, ou présenter des séquelles neurologiques définitives, chacun et chacune d’entre vous est resté désespérément silencieux !
Vous avez regardé, et continuez de regarder, impassibles, ma conjointe mettre sa santé et sa vie en danger, alors que vous savez pertinemment, toutes et tous, que son action est parfaitement légitime et que ses enfants lui ont été arrachés sur la base des propos calomnieux et des manipulations du père de Samuel, désireux de lui faire chèrement payer d’avoir voulu reprendre sa liberté !
Les services sociaux se sont ensuite acharnés sur elle, et la justice n’a cessé de dysfonctionner en niant systématiquement la parole de ma conjointe et celle de Noah.
L’action de Karine est devenue emblématique. Son combat éclaire celui de ces dizaines de milliers de papas et de mamans qui, injustement privés de leurs enfants, vivent le même enfer et, dignement, s’efforcent d’être entendus par la justice, de faire respecter leurs droits et ceux de leurs enfants afin de les ramener auprès d’eux, en sécurité.
Dans ma lettre ouverte du 15 février dernier (voir : www.liberez-samuel-et-noah.fr. Lettre ouverte du Dr LABREZE), je demandais à la justice d’avoir le courage et l’honnêteté de prendre acte de ses dysfonctionnements, d’y remédier et de rendre enfin la justice.
Mme JEAN-AMANS, vous êtes de toute évidence restée sourde à cet appel.
Dans votre jugement du 20 mai 2021 concernant SAMUEL vous avez, malgré le rapport élogieux d’avril 2021 du service organisant les visites médiatisées, reconduit les visites à l'identique: 2 visites d’1h30 par mois, en « parloir », avec présence d’un éducateur, et avec 8h de route aller-retour pour Karine, dont 4 sur les routes tortueuses de Lozère. Vous imposez également ce déplacement, certes moins important, à Samuel.
En redonnant les mêmes droits à M. DURAND, père de Samuel, dont nous avons pourtant prouvé les mensonges (cf expertises médico-légales des photos), et souligné la volonté de briser le lien mère/fils, vous continuez de priver ma conjointe et son fils de leurs droits légitimes, sans aucune raison valable. Au mépris des faits et du Droit, vous persistez et signez !
Très clairement, vous vous êtes départie de la neutralité indispensable pour parvenir à rendre la justice. Vous reprochez à ma conjointe, et lui faîtes payer, la médiatisation de son dossier, en feignant d’ignorer que cette médiatisation est la conséquence directe du harcèlement judiciaire auquel vous la soumettez depuis quatre ans et pour lequel elle ne voit aucune issue !
Mesdames et Messieurs des services socio-éducatifs, ainsi que cela a été acté en septembre 2020 dans le rapport d’investigation de la PJJ (Protection Judiciaire de la Jeunesse), vous continuez à ne proposer aucun travail éducatif concret et à ne répondre que très difficilement aux sollicitations de Mme TRAPP. Vos actions vont, sans le moindre doute, uniquement dans le sens du maintien du placement de Noah, puisque son retour auprès de sa maman signifierait pour vous, ainsi que l’a communiqué le chef de service du foyer, « qu’elle aura gagné » (cf rapport de la PJJ).
Madame LALANDE, chaque action ou inaction de ma conjointe est, pour vous également, l’occasion de continuer à la harceler, avec une partialité et une mauvaise foi évidentes.
Très clairement, tout comme le chef de service du foyer Saint-Joseph, vous êtes engagée dans un rapport de force avec Mme TRAPP et agissez pour la mettre en échec. L’intérêt de Noah n’est aucunement une préoccupation pour vous. Dans le cas contraire, vous auriez respecté la parole de cet enfant, qui demande avec insistance « sa vie d’avant », et ordonné son retour chez sa maman.
Ainsi, vous osez reprocher à Mme TRAPP, légitimement préoccupée par l’état de santé de NOAH, qui se plaignait notamment d’une asthénie persistante, d’avoir fait réaliser un bilan sanguin. Cette demande venait pallier l’incurie des services sociaux et du foyer. Le fait est que ce bilan a mis en évidence des carences et des déficiences qu’il était urgent de corriger pour permettre à Noah de retrouver un état de santé satisfaisant !
Mais au lieu d’être préoccupés par l’administration sérieuse du traitement, la Justice et les services socio-éducatifs cherchent, depuis 7 mois, à prouver une faute de la maman qui a demandé ce bilan, ou de moi-même, qui ai dû effectuer cette prescription en raison de l’inaction du médecin traitant de NOAH. Vous essayez même de contester la pertinence de mon ordonnance en recourant à un confrère médecin « expert », qui semble pourtant n’avoir que de vagues notions du rôle des nutriments et des modalités de prescription.
Vous démontrez, ainsi que je l’écris plus haut, que tout est bon pour mettre en cause Mme TRAPP et justifier le placement de Noah dont, mieux que quiconque, vous connaissez le caractère parfaitement infondé et, par conséquent, illégal !
Vous assumez par conséquent une très lourde responsabilité en ce qui concerne le préjudice considérable que ma conjointe est en train de s’infliger par cette grève de la faim prolongée, et dont le jugement que vous avez rendu en octobre dernier, replaçant Noah pour 15 longs mois, a été le déclencheur.
La Cour d’appel de NÎMES aura à statuer le 24 juin prochain sur le maintien ou non du placement de NOAH. Je veux croire que les magistrats feront le choix de reconnaître la vérité. Cependant, au vu de l’audience du 20 mai, qu’elle m’a décrite comme dépourvue d’humanité et de préoccupation réelle pour son fils, ma conjointe est inquiète.
Je voudrais poursuivre par une considération d’ordre plus général sur l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE, qui a remplacé l’ancienne DDASS). Comment ose-t-on parler d’aide ? Quel abus de langage, quand on connaît l’étendue du scandale des placements abusifs d’enfants en France !
Une tribune intitulée « Enfance, un collectif de professionnels dénonce la maltraitance de la justice », parue en novembre 2020 sur FRANCESOIR.fr, cosignée par l’association L’ENFANCE AU COEUR et un collectif de professionnels, dont je fais partie, exposait les graves dysfonctionnements constatés sur le terrain, et soulignait l’urgence à agir pour faire cesser ces dramatiques situations de placements abusifs.
Nous constatons en effet de nombreuses mesures de placement brutales, démesurées, injustifiées, là où des interventions bienveillantes et rigoureuses, permettraient, soit de réaliser l’absence de maltraitance et de réel danger, et donc l’inutilité du placement, soit de décider la mise en place de mesures plus légères, telles qu’une AEMO (Assistance Educative en Milieu Ouvert), qui permettraient de régler les difficultés tout en maintenant les enfants au domicile de leurs parents.
Nous voyons sur le terrain des parents dévastés, terrorisés à l’idée de se voir retirer leurs enfants ou de ne jamais les retrouver, et des enfants que l’on prive abusivement de ce qu’ils ont de de plus cher, et ô combien indispensable à leur équilibre et leur développement: la présence et l’amour de leur famille.
Où est la dimension d’aide dans tous ces dossiers ?!
Pierre NAVES, Inspecteur général des Affaires sociales était très vraisemblablement en dessous de la réalité, lorsqu’il affirmait en 2007 « que la moitié des placements étaient abusifs », puis ajoutait quelques années plus tard « qu’il faudrait 15, 20 voire 25 ans pour faire baisser ces placements de moitié » (voir vidéo de 1mn48 sur YouTube: Affaires sociales. Pierre NAVES. 5 ans après).
Rien n’ayant été fait, ou si peu, ce système est resté totalement dysfonctionnel.
Les services sociaux s’abstiennent trop souvent d’intervenir lorsqu’ils le devraient, laissant ainsi des enfants en danger, ou au contraire, arrachent des enfants à leurs parents, pour les placer sans aucun motif de danger avéré.
Ainsi, en juin 2020, dans « l’affaire MARINA », un arrêt de la Cour européenne des Droits de l’Homme (CEDH) a condamné la France et clairement acté les dysfonctionnements de la justice française et des services sociaux, à l’origine de la mort de l’enfant. Il est écrit : « Ils (les services sociaux) n’ont pas engagé d’action véritablement perspicace qui aurait permis de déceler l’état réel dans lequel se trouvait l’enfant ». (Affaire Marina Sabatier c. France. Arrêt du 4 juin 2020).
L’Aide Sociale à l’Enfance (ASE) a hésité, perdu du temps, accumulé les « interrogations » et même les visites à domicile pour finalement ne rien faire d’utile et laisser cette enfant à son sort.
Le Parquet a fait preuve du même manque de compétence et de clairvoyance face à cette situation évidente de maltraitance, dans cette « affaire » MARINA, comme dans celle d’Inaya, Bastien, Fiona, etc (cf : https://lenfanceaucoeur.org/).
L’association l’ENFANCE AU COEUR sur son site internet https://lenfanceaucoeur.org/, précise que ; « Elle a la rage au cœur de voir que des enfants que le placement aurait pu sauver ne sont pas placés, et que ceux que le placement détruira car il est sans motif, sont arrachés à leurs parents aimants et placés injustement ».
L’association poursuit : « Dans ces cas de placements abusifs, que trouve-t-on? On trouve des travailleurs sociaux qui ont tous les culots ! Dans ces cas-là, l’ASE n’hésite pas, ne tergiverse pas ! Les services sociaux rédigent des rapports à charge, dénaturent les situations, exagèrent les petits défauts des parents pour en faire des failles coupables (qu’ils inventent s’ils n’en trouvent pas) (…). En un mot, ils ont toutes les audaces qu’ils n’ont pas eues dans l’affaire MARINA».
Ce sont ces mêmes services sociaux, à la fois juge et parti, puisqu’ils décident des placements et en évaluent l’impact sur les enfants placés, qui écrivaient par exemple au sujet de KIMBERLEY, quelques semaines avant que cette jeune fille de 15 ans ne se suicide (il y a 3 mois), parce qu’on l’empêchait de rentrer chez elle: « Kimberley et O continuent de s’épanouir sur leur lieu de placement (…) L’accompagnement proposé convient bien à leur développement affectif et psychologique ».10
L’on ne peut également passer sous silence les suicides, ou les décès prématurés des parents usés par des années de harcèlement socio-judiciaire et de procédures, pour tenter de récupérer leurs enfants. Ce fut notamment le cas en août dernier pour Mme TJEO, une maman morte des suites d’un second AVC alors qu’elle se battait contre les services sociaux et la justice pour récupérer ses enfants abusivement placés ( ref. Voir article "Bourg-en-Bresse: Une marche blanche en mémoire de Bouchra Tjéo" sur lavoixdelain.fr du 28 aout 2020).
Ce manque de professionnalisme, d’efficacité, d’humanité, explique la faillite de ce système et les tragédies dont il est responsable, tant par son inaction, que par son manque de discernement et la brutalité de ses interventions trop souvent, conduisant à placer des enfants qui auraient dû rester avec leurs parents.
Mme TRAPP et ses enfants font partie des victimes de ce système et il est temps que toute cette souffrance cesse !
Enfin, je voudrais redire ici à ma conjointe, une maman bienveillante et aimante qui, dignement, avec courage et détermination, se bat contre les services sociaux et l’institution judiciaire pour reprendre le cours normal de sa vie et recommencer à veiller sur ses enfants, que je l’aime et l’assure à nouveau de tout mon soutien.
Certes, le médecin que je suis tente de lui montrer qu’elle pourrait interrompre cette grève aujourd’hui et sortir de cette action la tête haute, en ayant donné tout ce qu’elle pouvait donner, alerté autant qu’elle le pouvait, et sans dommages considérables et irréversibles pour sa santé, mais je sais son désespoir.
Les magistrats en charge de son dossier ont démontré qu’ils sont prêts à la laisser mourir, plutôt que de se remettre en cause et de se déjuger, mais je respecte néanmoins son choix de poursuivre son action jusqu’au retour légitime des enfants auprès d’elle.
La solution est aujourd’hui entre les mains de la justice et de tous les acteurs qui auraient autorité pour agir et faire cesser la profonde injustice et le harcèlement judiciaire que ma conjointe et ses enfants subissent depuis beaucoup trop longtemps.
Dr LABREZE